PIERRE DEMEULENAERE

Le cri des arbres, Installation sonore et lumineuse, peinture panoramique sur tulle 250 x 400 cm, 2021-2022

L’origine de cette installation vient d’une marche, tel un exode urbain, que j’ai effectuée lors du confinement. Il s’agissait d’une marche transgressive en lisière des chemins de randonnée et des forêts ardennaises. Le cri des arbres se compose d’un jeu de lumière chorégraphié par un son qui surplombe une peinture panoramique sur tulle. Le spectateur est invité à pénétrer dans cet espace où il observe, par un jeu de transparence et de lumière, le corps des autres ainsi que la peinture. À tour de rôle, les corps des visiteurs apparaissent et disparaissent dans cette peinture évoquant une forêt en pleine souffrance. Au-dessus de lui, est suspendue une “douche” sonore faite d’infra-basses qui provoquent une sensation physique. Pour réaliser ce son, j’ai enregistré et retravaillé le craquement de branches et de bûches. L’image panoramique renvoie, par frottements picturaux, à un paysage composé de couleurs orange, violet et jaune que l’on observe à travers les caméras thermiques qui captent les infrarouges. Ces couleurs représentent la calcination de la forêt ardennaise qui, suite à la première marche effectuée, a, par accident, été brûlée. Le cri des arbres questionne de manière artistique nos problématiques environnementales, par une inclusion sonore, tactile et visuelle du corps du spectateur dans l’installation. Comment faire de nouveau la  rencontre d’une forêt défigurée ?

Ce projet a été réalisé en binôme avec Enoch Hodonou, étudiant de l’école Polytech’Lille, dans le cadre du Module de co-création Arts et Sciences,  Polytech’Lille-Esä. Ce projet à bénéficié d’une bourse de l’Esä.

Le développement du projet a été en partie réalisé par Stéphane Cabée.

Remerciements : Nathalie Stefanov, Christophe Chaillou, Silvain Vanot, Stephane Cabée et Hervé Lesieur.

VERONICA DE OLIVEIRA

Frictions #2, Acier, sable, sphero, kinect, 150 x 150 cm, 2021-2022

Frictions #2 se présente sous la forme d’une structure métallique qui accueille en son sein du sable au-dessus duquel navigue, en y laissant des traces, une sphère programmée. Celle-ci semble errer de manière hasardeuse, à moins qu’elle ne soit régie par les mouvements des spectateurs. Au fil des déplacements de cette sphère, des sillons dans le sable s’entrelacent, s’effacent et se réinventent.

Frictions #2 interroge à sa manière la question de la trace. Celle qui est laissée par le corps qui rencontre la machine, mais aussi celles, nombreuses, que nous laissons inconsciemment par nos usages du numérique. 

Cette installation vient à la suite d’une série initiée en 2020, dont l’une des occurrences a pris la forme d’un pendule en ardoise venant se frictionner contre une autre plaque d’ardoise posée au sol. Inspirée du pendule de Foucault, cette pièce convoque les mouvements oscillatoires qui façonnent ma pratique. 

Frictions #2 a été pour une part développée dans le cadre du Module de co-création Arts et Sciences,  Polytech’Lille-Esä. La programmation nécessaire à ce projet a été réalisée avec Stéphane Cabée.

ADELINE DEFONTAINE

La chair du monde, Installation, machinerie mécanique, soufflet, circuit hydraulique et vidéo-projection, dimensions variables, 2022

Comment les nouvelles technologies modifient-elles la perception que l’on peut avoir de notre corps ? Quelles représentations avons-nous aujourd’hui de cette enveloppe charnelle brouillée par les réalités virtuelles qui tendent, selon certains points de vue, à l’effacement de notre matérialité physique ? La disparition de la chair, au travers d’une vision dualiste présupposant la primauté de l’âme sur le corps, est-elle aujourd’hui encouragée par l’avènement technologique ? 

La chair du monde est une installation composée d’un soufflet, simulant une respiration, autour duquel prend place un circuit hydraulique évoquant la mécanique intérieure de tout être vivant. En circulant autour, le spectateur fait l’expérience de cette œuvre qui comprend également, accolé à cette machinerie toute en transparence, un Plexiglas dépoli sur lequel est vidéo-projetée une modélisation 3D. L’être vivant modélisé, proche de l’humain mais pourtant dépourvu de visage, évolue dans un environnement onirique. Sa chair, translucide, rappelant la mécanique qui lui est associée, se liquéfie pour se confondre avec la réalité qui l’entoure tandis que la lumière de sa vidéo-projection vient nimber de ses rayons la machinerie, liant ainsi l’univers non palpable du numérique à notre réalité physique. 

La chair du monde est une évocation de la pensée merleau-pontienne qui fait apparaître la chair comme une substance commune rendant possible le rapport entre le sujet et le monde, l’unité du percevant et du perçu. L’œuvre tente alors de donner une réponse quant aux questionnements actuels relatifs à l’avènement technologique et met en avant une chair commune, au-delà du bits. 

Oeuvre réalisée en collaboration avec Julien Delannoy et Colin Chaise, étudiants à Polytech Lille, dans le cadre du Module de co-création Arts et Sciences,  Polytech’Lille-Esä.

MARIE CUNIN

Décors Nus, Huile sur toile, réalité augmentée, 180 x 150 cm, 2022

Que restera-t-il après l’effondrement de l’espèce humaine ? Quelles couleurs, quelles formes ? Étaient-elles fières, fragiles ou ailleurs ? Que restera-t-il de ces corps, de ces chairs, de ces ruines ? Étaient-ils fiers, fragiles ou ailleurs ?

Dans ce qu’il reste d’une scène de théâtre, des corps prennent place, se forment, se déforment et luttent pour exister. Décors Nus est une huile sur toile en réalité augmentée, où se dissimulent aux yeux indiscrets les icônes absentes. Car il faut regarder à travers une certaine fenêtre, un écran de fumée, pour voir apparaître des bribes de peaux mélangées aux pigments, des gouttes de sueur soustraites aux huiles.

Ne faut-il pas repenser, à l’aune des nouveaux calques de la réalité, la formule de Michel-Ange qui veut “Libérer la forme humaine emprisonnée à l’intérieur du bloc” ? Le vivant se sculpte dans le marbre, les lignes d’horizons et les points de fuite s’alignent. Tout a changé.

Il s’agit de compositions invisibles, de décors nus, de Vénus pudiques contemporaines, de Caravage arrangés en fragments numériques. Peut-on envisager la possibilité d’une beauté dans cet oubli ? 

LUO CHUHUI

La marée submergea les terres, Sculptures en résine, photographies, dimensions variables, 2022

L’histoire de cette œuvre trouve son origine dans la disparition de plusieurs villes situées en Chine. Ces villes, ensevelies sous l’eau, sont désormais recouvertes par un barrage hydraulique. Pour réaliser ces grands travaux, il a fallu délocaliser les populations qui ont vu leurs villes et leurs villages devenir des lacs. 

Le spectateur observe plusieurs formes transparentes sur lesquelles se trouvent imprimées des photographies des villes disparues. D’autres formes montrent des photographies de ces territoires vus du ciel et prises par satellite. Pour récolter ces archives photographiques, souvent difficiles à trouver, de longues recherches ont dû être effectuées. 

Par cette installation, ces images sont réassemblées et solidifiées dans de la résine transparente, pour former un espace urbain hypothétique. Leurs ombres tridimensionnelles apportent une perspective visuelle renouvelée.

L’installation La marée submergea les terres renvoie aux relations que l’humain entretient avec son environnement. Elle interroge la façon dont de grands travaux façonnent les paysages, en entraînant le déplacement de populations. Les humains construisent des villes mais ils finissent par les faire disparaître artificiellement.

Cette installation a été réalisée en collaboration avec Altinok Kadriye dans le cadre du Module de co-création Arts et Sciences,  Polytech’Lille-Esä.

CAMILLE BERNARD

//sal***//, Installation vidéo, céramique et réalité augmentée en 3 étapes #1#2#3, 2021-2022

Comme une malédiction qui s’abattrait sur les femmes au fil des générations, le conditionnement du corps de la femme se répète inlassablement.

Comme un mythe qui traverse le temps, une histoire ancienne que l’on pourrait raconter aux jeunes filles pour les mettre en garde. Tout commencerait avec cette femme qui aurait pu se courber devant un homme mais qui a choisi de faire tout autrement. Pour cela, elle sera maudite : son corps séparé en deux, prendra pour apparence deux formes bien distinctes, l’une l’incarnation de la pudeur, l’autre l’incarnation de la volupté.

//sal***//, certainement des millénaires après, rejoue une nouvelle fois ce mythe infernal. D’évolution en évolution, la fable a fluctué pour devenir un programme coincé dans la matrice. Notre protagoniste, juste après la malédiction, retrouve ses deux corps séparés sur deux interfaces. Son âme sur une troisième les relie. L’âme amnésique va alors amorcer une discussion afin de comprendre ce que sont ses nouveaux corps. S’ensuivra alors toute une discussion autour de leur corps et de leur spécificité. Cette discussion est une première étape du projet //sal***// où le corps est au centre des interrogations. La malédiction ici n’est qu’un prétexte pour parler des stéréotypes et de l’influence du regard des autres sur le corps. Cette discussion toutefois est la première étape vers l’affranchissement de cette malédiction. Notre protagoniste tente de réinvestir ses corps en les acceptant, en essayant de renverser le regard qu’elle porte sur ses corps, regard modifié par la malédiction.

AMANDINE AUGUSTAK

Position perdue, Installation vidéo, dimensions variables, 2022

Mon travail s’ancre dans la volonté de proposer au spectateur l’expérience de l’espace-temps où différents êtres vivants se confrontent. Il s’agit de paysages qui proposent aux sens du spectateur des espaces transitoires où la mémoire, la temporalité et la durabilité des éléments sont questionnées. Ce travail explore les micro-mondes pour mieux penser les problématiques globales du monde.

Position perdue est une installation interrogeant la métamorphose du vivant. Elle se constitue d’un aquarium qui vient accueillir une gelée d’organismes vivants microscopiques représentant la naissance et le cycle de la vie. Cette gelée vient se développer dans l’espace, contrainte par un deuxième élément qui lui aussi est indissociable à la vie : l’eau. Cette eau a été récupérée au bord de la mer, là où se situent de nombreuses usines travaillant le minéral afin d’en produire des sources d’énergie. Or ces usines rejettent de nombreux polluants. Il s’agit d’éléments et espaces contradictoires : la vie et sa destruction.

Dans ce processus de morphogenèse, une projection d’éléments naturels en transition vient prendre forme à travers la dualité des deux éléments. De nouvelles formes, de nouveaux paysages viennent se recréer, laissant place au phénomène de la matière, à sa substance.

Installation réalisée en collaboration avec Corentin Gielen, dans le cadre du Module de co-création Arts et Sciences,  Polytech’Lille-Esä.

Rapports de synthèse

Vous trouverez ci-dessous les rapports de synthèse élaborés par les étudiants de l’Esä et de Polytech’Lille.

Le vendredi 21 janvier, ils ont effectué une soutenance devant un jury composé de Nathalie Stefanov, Stéphane Cabée (Esä), Christophe Chaillou, Rodolphe Astori (Polytech’Lille).

Workshop de Pauline Delwaulle

Extrait de Plus ou moins l’estran, Pauline Delwaulle & Sébastien Cabour (2021)

Après avoir présenté son travail et ses récents projets en lien avec la cartographie et les gps, Pauline Delwaulle a présenté brièvement les oeuvres cartographiques de quelques artistes.

Puis, les étudiants de Polytech’Lille et de l’Esä ont été invités à travailler autour de la trace gps, du pistage et de la création de carte.

En s’inspirant des  traces gps d’animaux, des narrations et des graphismes qu’elles proposent, Pauline Delwaulle a invité les étudiants à inventer des récits en faisant se rencontrer des traces, en rejouant des parcours. L’idée était d’utiliser les gps comme des outils de dessin, mais également comme des vecteurs narratifs.

Munis d’une application de tracking gps ( GPS Logger – BasicAirData pour Android et My Tracks pour Apple), les étudiants ont conçu un parcours à partir d’une fiction et ont récupéré leurs traces gps. Ces traces deviennent des chorégraphies en s’appuyant sur une fiction : par exemple, un facteur faisant sa livraison, un chat alternant paresse et chasse, une meute de loup se déplaçant, un chien pendant sa promenade quotidienne s’arrêtant à chaque arbre ou coin de rue ou mobilier urbain marquant, un pigeon, une parade amoureuse, une rencontre historique, etc .

Ces trajets doivent former une petite narration qui peut prendre forme sur un fond de carte réelle ou fictionnelle. Ce workshop fut donc l’occasion de faire réfléchir les étudiants à imaginer un travail de dessin dans l’espace extérieur mais aussi sur papier ou numérique.

Les différents dessins de traces ont été présentés à la fin de la séance par chaque binôme montrant ainsi les imaginaires cartographiques des alentours de l’Esä.