Exposition : Zone Partagée, agentivité des mondes numériques et des écureuils

Du 06/04/23 au 12/04/23 – Galerie Commune, Tourcoing

Inscrite dans le cadre du programme de recherche PRIST, l’exposition Zone partagée – Agentivité des mondes numériques et des écureuils réunit les œuvres de 13 étudiant.e.s. Cette exposition invite à ouvrir par les formes aux imaginaires situés au-delà de la raison guidée par la science moderne et le progrès. Comment inventer des outils capables de détecter des entités invisibles ? Comment peut-on cohabiter avec les mondes vivants non-humains ?  Et quelle habitabilité leur construit-on ?

Le titre de l’exposition “Zone Partagée, agentivité des mondes numériques et des écureuils”, qui fait écho aux Zones A Défendre, revient sur la notion de partage, partage des biens communs contre la mainmise par les intérêts privés sur les ressources naturelles, contre la disparition des services publics au profit du privé. Il est urgent de comprendre que les écureuils, ici métaphores des vivants non-humains, sont les acteurs de l’habitabilité de notre système Terre. Ils sont le climat.


Nazif Can Akçalı, Mycoderma aceti, Mère de vinaigre, pommes, eau, verre, métal, 45 x 45 x 140 cm, 2023

Cette installation se compose d’un aquarium et d’une projection. Dans l’aquarium, on observe la fermentation du vinaigre de pomme à laquelle j’ai ajouté plusieurs “mères de vinaigre” que j’ai produites. Aux côtés de cette mère de vinaigre – nommée Mycoderma aceti -, est projetée une vidéo qui montre des images de bactéries observées à l’Université de Lille avec l’aide ede Corentin Spriet. J’ai ensuite appliqué un traitement de ces images par une intelligence artificielle.

Le vinaigre est le résultat de la fermentation, qui est un mécanisme de production d’énergie. Lorsqu’on observe ce processus, on remarque que les bactéries acétiques se réunissent pour former un biofilm. Il s’agit d’une substance composée de polymères créés par différentes espèces de bactéries, afin d’augmenter l’énergie pour mieux résister aux facteurs environnementaux.

Selon la théorie évolutionniste endosymbiotique, les bactéries unicellulaires se sont combinées pour produire plus d’énergie. Elles ont ainsi formé des organismes pluricellulaires. Aujourd’hui, la dépendance aux énergies fossiles conduit aux injustices, aux guerres et à une société de plus en plus individualiste. Examiner les processus à l’œuvre dans la fabrication d’un biofilm et observer les interdépendances permet de réfléchir à nouveaux frais aux systèmes énergétiques de ce monde. Il convient d’apprendre à se réunir, à créer notre propre biofilm pour réinventer le futur.

Réalisé en collaboration avec Corentin Spriet, Ingénieur de recherche au CNRS, Ségolène Arnauld, Ingénieure de recherche et Théo Berlemont, Stagiaire au Département Génie Biologique et Alimentaire de Polytech, dans le cadre du Module de co-création Arts et Sciences, Polytech’Lille-Esä.


Amandine Augustak, Phalène, Tarlatane, métal, cire, impression 3D, tirage avec contamination, 180 x 50 x 50 cm, 2023

Mon travail dépeint les strates des espaces que nous habitons, questionne la place et la cohabitation du vivant et non-vivant dans des territoires qui ne cessent de se réinventer. À travers le médium de l’image et des sciences, je cherche le point exact de métamorphose de nos paysages. Il s’agit d’affranchir les limites du temps, posant ses images dans plusieurs réalités, faisant muer les frontières du réel pour proposer au spectateur de nouveaux mondes. Je m’affranchis des limites spatiales pour venir habiter les interstices du paysage, m’intéressant à ce qui est mouvant, latent ou en suspens afin de ne retenir que les points de tensions de ce monde. Ces images jouent avec les frontières de l’onirisme.

Phalène est une installation se déployant dans le temps, proposant au spectateur un regard sur l’état des corps, la transmutation des matières. Elle est une réflexion sur ce que nos paysages peuvent devenir, proposant d’ouvrir les portes d’un nouveau et possible paysage. Phalène hybride un ensemble d’artefacts que l’on a abandonnés aux bras du passé, un ensemble de corps oubliés. Outils ou objets manufacturés, matériaux transformés, documents d’archives, images, cartes ou supports cartographiques, un large ensemble retrouvé à travers les souterrains d’anciennes exploitations industrielles qui ont contaminé et transformé toute nature environnante. Un micro-monde où le regard se déploie dans une narration entre les substances et formes, apparition et disparition, une traversée dans différentes temporalités.

Réalisé en collaboration avec Matthieu Duban, ingénieur de recherche biologie moléculaire à l’Université de Lille.


Veronica De Oliveira Mota, In Vitro Vivo, Plaques de Plexiglas, gélose nutritive, lierre terrestre, eau salée, laitue de mer, 40 x 33 cm, 2023

In Vitro Vivo : à l’intérieur du verre je vis. Le verre est ici remplacé par du Plexiglas manufacturé, à l’intérieur duquel évoluent des êtres végétaux gardés en vie de manière artificielle. À l’aide d’une lumière horticole et de gélose nutritive, le lierre terrestre et la laitue de mer évoluent déracinés de leur environnement premier. À l’intérieur de la surface en Plexiglas se dessinent des cercles et des sillons qui contraignent le développement des végétaux à une forme à laquelle je les assujettis. Le matériau transparent qu’est le Plexiglas se révèle invisible pour la plante, mais la transforme tout de même. Ce projet est une réflexion autour de la capacité d’un être vivant à pouvoir se développer dans un environnement qu’on lui impose. C’est un questionnement sur la contrainte du végétal à évoluer dans un espace totalement artificiel et cloîtré. La cohabitation entre organisme végétal et environnement synthétique est-elle vraiment possible ? La pulsion de vie de l’être vivant est-elle à elle seule nécessaire à son bon développement ? Quel est donc ce dispositif artificiel dans lequel on se love ?

Réalisé en collaboration avec Barbara Bouet, étudiante ingénieure en Génie biologique et Alimentaire, dans le cadre du Module de co-création Arts et Sciences, Polytech’Lille-Esä.


Adeline Defontaine, Victoria Quiring, Melinoe, Mère de Kombucha, bac en verre, eau, thé vert, sucre, vinaigre de cidre, 115 x 125 x 30 cm, 2023

« Notre souffle ne va pas s’épuiser dans notre cadavre : il va alimenter tous ceux qui trouveront en lui une scène à célébrer. »

Emanuele Coccia, Métamorphoses, ed. Payot & Rivages, Paris, 2020

À l’entrecroisement des notions de renaissance, de matérialité partagée et d’énergies, l’installation Melinoe entend questionner la capacité du monde vivant à capter les énergies, qu’elles soient naturelles ou spirituelles, dans le but de re-donner naissance à de nouvelles formes de vie. En tant qu’œuvre vivante amenée à évoluer durant l’exposition, le SCOBY (Symbiotic Culture Of Bacteria and Yeast), mis ici en culture et constituant l’être central de cette installation, génère une membrane de plus en plus épaisse et au devenir singulier. Destinée à s’élever semblablement à la re-naissance d’une entité à l’aspect fantomatique, celle-ci se trouve pour le moment dans un état latent, puisant son souffle vital au cœur des énergies qui constituent l’exposition et nous amenant à repenser les flux d’énergie et de matière sous forme de phénomènes intra-actifs. Ainsi, en tant qu’être-poussant, Melinoe vient pointer du doigt les liens immanents qui nous unissent au monde vivant dans une spiritualité et une matérialité partagée. 


Cécilia Diette, Ce qui restera, Téléviseur cathodique, micro-organismes, plastique, déchets, eau, dimensions variables, 2023

Que laisserons-nous derrière nous lorsque l’extinction de l’homme sera à son paroxysme ?

Ce qui restera est un projet qui explore l’impact du changement climatique. Il réfléchit de manière critique à la responsabilité du modèle productiviste face à l’urgence écologique et à l’éradication de la biodiversité. Cette installation se compose d’un téléviseur cathodique qui laisse apparaître à travers son écran divers éléments tels que des déchets, des plastiques et du liquide. Ainsi, au lieu de nous divertir, cet écran nous oblige à faire face à la réalité environnementale. J’ai choisi de détourner un téléviseur pour évoquer le rôle de la télévision, et plus largement de la publicité, dans la structuration de nos modes de vie. Cet objet apparaît massivement dans les foyers à partir des années 60, en plein développement de la société de consommation. Commence alors l’invasion des images publicitaires qui incitent à la consommation. Dans cette installation, ces images publicitaires sont remplacées par un amoncellement de déchets, conséquence du consumérisme aux effets dévastateurs. Par la suite, le projet sera complété par une série de téléviseurs, renvoyant en cela au modèle de la surproduction. Chaque téléviseur recyclé sera transformé en un objet spécifique qui évoquera à sa manière l’incapacité à penser les limites du système Terre.

Réalisé en collaboration avec Maxence Laurent, étudiant ingénieur en Systèmes embarqués, dans le cadre du Module de co-création Arts et Sciences, Polytech’Lille-Esä.


Thomas Ferreira, Alter réalités, Imprimante 3D, profilés aluminium, écran, câbles électroluminescents, 130 x 100 x 170 cm, 2023

Alter réalités est une installation globale qui explore la relation complexe entre la technologie, la nature et la production artistique. L’installation est composée d’une imprimante 3D, d’un système de recyclage et d’un écran diffusant des modèles 3D de plantes artificielles générées par une intelligence artificielle. Cette machine, montée sur une structure en profilé aluminium, est conçue pour fonctionner de manière autonome en se nourrissant de sa propre production.

L’installation interroge également les notions d’autonomie, de singularité et d’autophagie en tant que système de production. La pièce propose, dans une sorte de science-fiction, une vision dystopique d’un futur où les ressources naturelles sont épuisées, laissant les technologies et les Intelligences Artificielles être la seule source de création. En utilisant l’impression 3D, la machine questionne également les relations entre la matière et la forme, ainsi que les implications écologiques de la production de masse.

Réalisé en collaboration avec Maxence Neus et Zoubida Zarhloul, étudiant.e.s ingénieur.e.s dans leurs départements respectifs Système Embarqués et Génie Civil, dans le cadre du Module de co-création Arts et Sciences, Polytech’Lille-Esä.


Nathalie Lesure, Nymphales, Algues, soie, bois, eau salée, LED, dimensions variables, 2023

L’essence de ma pratique est fortement liée aux structures du vivant et au monde naturel. C’est surtout la dimension de la transformation, les états hybrides entre différentes formes organiques qui reviennent dans ma démarche. 

Inspirée des différents stades de métamorphose d’insectes, l’installation Nymphales est marquée par l’apparition fluctuante de végétaux marins. Placées à l’intérieur de pochettes de soie, des algues séchées émergent d’une bassine d’eau salée. Au fur et à mesure, le tissu est de plus en plus rongé et teinté par cette décoction. L’intérieur des cocons devient visible par un éclairage fluctuant selon la présence du corps du visiteur : les degrés de transparence évoluent d’une manière sensible. Ainsi, les fluides, le tissu et le végétal se déforment et se rencontrent dans un milieu de résonance. Tout est en relation à l’un et l’autre, un réseau de connexions entre contenu et contenant.

« Your relations with others get inside you and make you the being you are. And they get inside the others as well. […] Beings do not so much interact as intra-act; they are inside the action. »

Tim Ingold

Réalisé en collaboration avec Anas Mazoz, étudiant en Systèmes embarqués, dans le cadre du Module de co-création Arts et Sciences, Polytech’Lille-Esä.


Chuhui Luo, L’eau submergera les terres, Vidéoprojection, film 8 mm, modélisation en 3D, 6 min, 2023

L’eau submergera les terres est un film qui s’appuie sur l’histoire du barrage de Tignes, un barrage hydroélectrique situé dans la haute vallée de l’Isère et dans la vallée de la Tarentaise, dans le département de la Savoie, en France. Ce projet a entraîné l’expulsion des habitants du village originel de Tignes en 1952, qui a été démoli, détruit puis englouti. On observe dans ce film des archives photographiques et une modélisation en 3D de données géographiques.

Dans ce projet, la piste suivie est celle d’une lettre écrite par un anonyme de ce village disparu. Une histoire qui retrace la catastrophe qui se cache derrière les villages inondés, ou encore les traces de la transformation de la nature par les humains. C’est une histoire d’identité perdue, de souvenirs noyés et d’expulsions forcées, entrecoupée de discussions sur le temps passé et le temps présent.

Réalisé en collaboration avec Louis Miglioretti, étudiant ingénieur en Génie Civil, dans le cadre du Module de co-création Arts et Sciences, Polytech’Lille-Esä.


LVCH, Périmètre n°1, Installation performative, dimensions variables, 2023

Périmètre n°1 est une performance collective d’une durée indéterminée, sur une surface indéterminée. Nous nous basons sur l’imaginaire de l’Aura. Notre recherche pseudo-scientifique repose sur l’interprétation, via l’interface que peut être le multimètre, du potentiel électrique traversant la plante, faisant ici office de capteur. Ce courant électrique est peut‑être, comme pour nous autres humains (système nerveux), un vecteur d’information ou code informationnel. Dans une boucle de réaction intuitive, nous produisons des gestes, observons l’influence ou non du geste sur l’Aura et ainsi produisons d’autres gestes, d’autres observations.

Un protocole est alors mis en place, mettant en lumière des questionnements à caractère tantôt esthétique (notre façon de créer, avec des gestes pouvant être répétés lorsque l’on produit : casser, recouvrir, post‑iter…), tantôt sociétale (par la mise en situations, des scènes de vie quotidienne, d’expérience traumatique : bizutage, rupture, isolement…).


Yuliya Makogon, Je vois ma maison dans le noir, Vidéoprojection, dimensions variables, 2023, 10 mn

Je vois ma maison dans le noir est un documentaire expérimental qui explore la vie à Kyiv et dans sa région pendant la grande guerre en Ukraine, en se concentrant sur les espaces collectifs et privés. La vidéo met en scène les expériences des individus qui tentent de préserver leur vie malgré les alertes aériennes et les coupures d’électricité fréquentes en hiver.

La vidéo se compose de plusieurs interventions qui adoptent une structure narrative similaire à celle d’un recueil de récits, soulignant ainsi la pluralité des histoires de la guerre et l’impossibilité de n’en retenir qu’une seule. Pour y parvenir, le concept de fragments est utilisé pour donner une perspective subjective et reconnaître les imprécisions et les lacunes. Cela encourage à réfléchir sur les différentes manières de raconter l’histoire, et favorise un dialogue visuel sur ce sujet complexe.


Janitta Pel, Archéologie Anthropique des Pierres, Béton, brique, pierre bleue, mortier, parpaing, carrelage, microcontrôleur, photorésistance, lampe, tablette, papier, dimensions variables, 2023

Au fondement de l’émergence de la vie sur terre, il y a ces pierres inertes mais précieuses, non renouvelables et pourtant surexploitées de manière massive par les activités humaines. Ces actions de notre temps transforment et font évoluer ces pierres en des objets hybrides à la fois naturels et artificiels, nous incitant à rechercher de nouvelles manières d’observer, d’analyser, d’interpréter. Nicolas Nova, chercheur et socio-anthropologue franco-suisse, parle d’une ère « post-naturelle » à laquelle nous faisons face, où ces spécimens créés par les humains portent les symptômes de nos conditions modernes.

Ce laboratoire invite toutes personnes curieuses à étudier des pierres issues de diverses fouilles de chantiers industriels, telles des archéologues cherchant à analyser des découvertes. L’expérimentation consiste ainsi à capter le pouvoir de ces différentes pierres, celui de réfléchir la lumière environnante grâce à un système électronique (composé d’une photorésistance, d’un micro-contrôleur et d’un écran LCD ou « écran à cristaux liquides » indiquant des valeurs chiffrées en temps réel) et d’une lampe directionnelle. Puis il s’agit de rendre compte, d’interpréter, de partager, de laisser une trace.

Nous proposons à travers cette expérience de voir en la matière, au-delà de sa conception matérialiste et anthropique, une dimension énergétique interactive, pouvant être invisible voire « mystique ». Tentons-nous de faire chanter les pierres lorsqu’elles font l’énigme de nos limites perceptives ?

Réalisé en collaboration avec Matthieu Papaseit, Marie Regnier et Fatoumata-Diaraye Diallo, étudiant.e.s ingénieur.e.s dans leurs départements respectifs Systèmes Embarqués, Matériaux et Génie Civile, dans le cadre du Module de co-création Arts et Sciences, Polytech’Lille-Esä.