ANNAËLLE OESTREICH

Il vit dans l’obscurité, Installation lumineuse et sonore, dimensions variables, 2022

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Il vit dans l’obscurité. 

Silence clair où il tâtonne avec certitude. 

Dans l’intimité de sa chambre noire, ses icônes intérieures communiquent avec le regard des autres. 

Son regard porte loin. Derrière le voile noir reposant sur son nez, c’est au-delà du visible qu’il se pose. Un œil cligne et retentit le clac de l’appareil, il vient enregistrer ce point de lumière et de chaleur. Silence atroce et impossible des images.

Il parle beaucoup pour occuper l’espace, mais paraît si serein dans le silence. De la couleur il n’a plus que le souvenir, de la lumière plus que la chaleur. De l’azur, du doré, du carmin, plus que l’impression dans son esprit de la jupe plissée, douce et volante dans le vide.

Il vit dans l’obscurité est une installation sonore et lumineuse inspirée par le travail et la vie d’Evgen Bavcar, philosophe et photographe aveugle. Au premier coup d’œil, il peut sembler que ce néon grésillant est simplement défectueux, il peut attirer l’œil ou brouiller la lecture de l’exposition plongée dans le noir. 

Dans une volonté d’interprétation du texte qui ne passe pas par la lecture, j’ai traduit en morse ce texte lui rendant hommage. Le néon s’allume quelques secondes, puis s’éteint, tout cela accompagné d’un grésillement retentissant au rythme de la lumière. 

« Mes images sont fragiles. Je ne les ai jamais vues, mais je sais qu’elles existent et certaines m’ont beaucoup ému », écrit Evgen Bavcar dans Le Voyeur Absolu, en 1992.

HUGO MIEL

Surface, PMMA, casque de réalité virtuelle, table, 90 x 120 cm, 2022

Par son abstraction même, la grille transmettait une des lois de base de la connaissance : qu’il existe une séparation entre l’écran perceptuel et celui du monde « réel ».*

Mon travail consiste à esthétiser des allers-retours entre un univers numérique et un univers physique. Poursuivant mes recherches autour du motif de la grille comme système permettant la circulation et la retenue d’informations à l’image de notre appréhension sensible du monde, je compose pour ce projet une grille en trois dimensions grâce à un casque de réalité virtuelle, avant de venir découper son image dans deux plaques de PMMA. De cette manière, je redonne matière au pixel, et exerce sur lui une gravité qui lui était jusque-là inconnue. L’une suspendue, l’autre disposée sur le sol, ces deux grilles se présentent à nous dans une vision stéréoscopique, faisant écho aux deux images nécessaires à la formation d’une image en trois dimensions. Un casque de réalité virtuelle nous invite à appréhender l’objet en question d’une toute autre manière afin d’en percevoir les volumes dans un environnement numérique à 360 degrés.

Ce projet a été réalisé en trinôme avec Mohammed Berrada et Thomas Drucké, dans le cadre du Module de co-création Arts et Sciences,  Polytech’Lille-Esä.

Remerciements : 

Mohammed Berrada, Thomas Drucké, Nathalie Stefanov, Stéphane Cabée, Rodolphe Astori, Corentin Gielen, Christophe Chaillou.

* Rosalind Krauss, Grilles,“Les ordres de la figuration”,   in Communications, n°34, 1981, p. 167-176.


Grille, téléviseur, couvertures de survie, vidéo, 8 min, 100 x 120 cm, 2021

Un téléviseur disposé sur des couvertures de survie présente une vidéo accompagnée d’une piste sonore. On y découvre l’expérience de réalité virtuelle d’un individu dont les mouvements corporels sont visibles grâce aux déplacements de cadrage et aux mouvements des modélisations de mains, apparaissant à certains moments. L’environnement virtuel dans lequel évolue l’individu est constitué d’une modélisation d’après la photographie d’un grillage, évoluant lui-même dans un espace fait de trames. Ce dispositif invite le spectateur à s’immiscer dans l’expérience passée d’un autre en appréhendant cet univers virtuel par son cadrage et ses mouvements.

La bidimensionnalité de l’écran du téléviseur écrase tous les volumes tridimensionnels perçus par celui qui expérimente le casque de réalité virtuelle, se faisant elle transforme son expérience en un flux d’images télévisuelles dans lequel l’humain n’a plus sa place.

Cette installation a été réalisée avec l’aide de Marie Lelouche, Stéphane Cabée et Silvain Vanot.

HSIAO-MEI HSU

L’âge de la jeunesse, Installation vidéo, plaque Plexiglas, film sans tain, tissu, éclairage, dimensions variables, 2022

Une partie de l’histoire de la région du Nord de la France est marquée par l’émergence et la fermeture de l’industrie textile. Plusieurs générations ont été marquées par cette industrie. Une partie de l’Esä a été construite sur un ancien bâtiment d’une filature. Auparavant, les ouvrières textile travaillaient dans ce bâtiment aujourd’hui occupé par de jeunes artistes.  Par ce projet, je propose une rencontre entre ces générations à travers le temps.

À partir des archives photographiques de la filature Le Blan à Lille, j’ai sélectionné des images de jeunes travailleuses et travailleurs, dont le regard m’intéressait. Ces portraits ont  ensuite été édités pour former un groupe sur un fond noir. Grâce au logiciel Deep Nostalgia™, leurs regards sont légèrement animés. 

L’animation est projetée en taille réelle sur un téléviseur devant un miroir sans tain.  Quand un visiteur lui fait face, la nature semi-réfléchissante de ce miroir lui permet d’observer à la fois l’image et son reflet. Je propose par cette installation un moment bref de rencontre avec cette génération précédente. C’est un échange à travers nos regards et nos corps. Il s’agit ici de proposer de porter un regard sur les travailleuses et travailleurs qui ont vécu et habité ce lieu avant nous.

Cette installation a été pour une part développée avec Antonin Rival dans le cadre du Module de co-création Arts et Sciences,  Polytech’Lille-Esä.

Source des images : Archives nationales du monde du travail, Roubaix, côte 1989 9.

YULIYA MAKOGON

Les ombres de cette forêt, Installation vidéo, rideaux de fil, 200 x 200 x 200 cm, 2022


Les ombres de cette forêt est une vidéo de dix minutes qui se présente sous la forme d’une installation immersive. La vidéo met en scène une promenade dans une forêt ukrainienne. Cette promenade suit un personnage principal qui entre dans un monde fictif où il est accueilli de manière peu amicale par une créature issue de la mythologie slave : une Mavka. La Mavka est un être représentant l’esprit d’une jeune fille morte avant d’avoir été baptisée. Comme elle ne bénéficie pas de la protection divine, elle vit sous la garde des habitants de la forêt.  

Cette installation se compose d’une piste sonore et d’une vidéo projetée sur des cordes de nylon suspendues à une armature spiroïdale accrochée au plafond. Au milieu de la vidéo, les cercles commencent à tourner. Grâce à cette structure, la projection devient tridimensionnelle et le visiteur peut entrer à l’intérieur de l’installation.

L’idée de cette installation procède de l’envie de traiter des mondes réels, fictifs ou mythologiques, qui se rencontrent et vivent en parallèle. Ils se mélangent aussi, faisant de la réalité un phénomène en mutation qui n’existe pas en soi mais dont la substance est en constante création. 

Réalisée en collaboration avec Amina Fangouri, dans le cadre du Module de co-création Arts et Sciences,  Polytech’Lille-Esä.

PAUL KRULIC

Transversal, Profils métalliques, briques et impression, 180 x 180 cm, 2022

Transversal est une installation composée d’une sculpture métallique, faite de tubes, ainsi que d’une impression sur tarlatane, un tissu léger à la maille visible.

Ce projet s’ancre autour d’un concept, formulé par Paul Virilio et Claude Parent, celui de concevoir une architecture critique oblique, c’est-à-dire se situant entre la verticalité du bâtiment et son horizontalité. L’impression du tissu prend place sur la sculpture ; par cet accueil, celle-ci devient structure. Cette impression est une grille simple, gravée sur bois grâce à une découpeuse laser puis imprimée sur la tarlatane. Elle offre au spectateur une possibilité, celle d’arranger et de modifier à sa guise cette architecture nouvellement montée, ne tendant plus à avoir la prétention de s’ériger vers les cieux mais de rester sur terre, à échelle humaine. 

 Ce projet s’ancre autour de pratiques numériques. Il emprunte les outils de la photogrammétrie ainsi que ceux de la modélisation 3D pour les intégrer au monde physique. Cette inclusion d’éléments numériques, impalpables dans leur utilité initiale, rendent compte également d’une réalité autre, celle qui confère aux spectateurs de ces grandes villes le pouvoir d’agencer les bâtisses à leur guise.

ALEXANDRE KIEBER

Enchevêtrement computationnel #2

Installation vidéo interactive, cube en métal, toile de fond photographique, films miroir sans teint, caméra 4K, 3 vidéoprojecteurs, ordinateur, environ 2m x 2m x 2m, 2022

Cette installation vidéo interactive a été pensée en continuité de celle présentée l’année précédente lors de l’exposition PRIST, Dé-réalité, Des réalités. Cette fois-ci, à l’intérieur d’un cube, il s’agit d’explorer l’évolution de notre rapport à l’espace et au temps, par la mise en abîme de l’environnement artistique. En entrant dans celui-ci, l’interacteur, comme le dit Miguel Chevalier, verra son image démultipliée à l’infinie, tel un enchevêtrement de structures gigognes. Ces dimensions mésoscopiques dans lesquelles nous nous trouvons sont ici suggérées, dans le but de créer un pont éphémère entre les différentes modalités de la matière. À l’image de la fenêtre albertienne, cette CAVE tente de réactualiser la notion de mimesis, à l’ère des méta-mondes en gestation. Dans le mouvement d’absorption de l’identité du visiteur vers un ailleurs, il est également question de transcender ses perceptions, pour lui faire imaginer une succession de lieux immatériels.

JULIE EVERAERT

Lycogala, Installation interactive et virtuelle, fils PLA, casque Oculus Quest 2, 40 x 30 cm environ, 2022

Lycogala renvoie à une espèce de myxomycètes. L’œuvre est réalisée à l’aide de la technique d’impression 3D et de la réalité virtuelle.

Elle se compose d’une impression 3D à laquelle s’ajoute une représentation modélisée d’un champignon, le lycogala. Muni d’un casque VR, le spectateur interagit avec Lycogala, au sein du monde réel et du monde virtuel. Selon ses gestes, sa position et ses mouvements, différentes animations évoquant la naissance et la prolifération des Lycogala se lancent.

Le but est de conférer à l’objet 3D représentant le champignon une impression qui relève du vivant, en jouant sur la texture, la forme et la lumière. Il s’agit de questionner la frontière entre réel et imaginaire, entre mimétisme et monde onirique. Lycogala vient interroger notre rapport à la réalité et à la simulation, à travers des objets transitionnels situés à la frontière entre les deux. Entre narration et fiction, Lycogala se joue des différentes réalités, biologiques, humaines et mathématiques.

Sur le plan scientifique, le lycogala est une espèce de champignons faisant partie de la classe des myxomycètes. Il se compose de petites boules, les aethalia, qui vont du rose au brun. Elles peuvent sécréter un liquide visqueux orangé si leur paroi est rompue avant la fructification. Elles se déplacent sous forme de petites plasmodes rosées pour se nourrir de bactéries, de plantes, de levures et de spores. Lycogala souligne cette phase de développement rarement observée à l’œil nu.

Installation réalisée en collaboration avec Mel Baumgartner, dans le cadre du Module de co-création Arts et Sciences,  Polytech’Lille-Esä.

CÉCILIA DIETTE

HauQalm #2, Casque Oculus Quest 2, performance, dimensions variables, 2021-2022

HauQalm#2 est la suite d’une série débutée 2021 avec une affiche publicitaire qui nous propose de tester « l’émotion virtuelle » en nous implantant une puce électronique dans la nuque. Ce produit est vendu comme un médicament. Les lettres “am” font référence aux benzodiazépines qui forment une classe de médicaments psychotropes. Prescrits à long terme, ils provoquent paradoxalement les effets inverse : anxiété, insomnie, nervosité, agoraphobie, cauchemars… J’ai réalisé une analyse prospective dans laquelle les puces électroniques remplacent les anxiolytiques. 

HauQalm#2 est une installation qui vous permet de tester la puce électronique avant l’implantation définitive et se présente sous la forme d’une “démo” à travers un casque de réalité virtuelle. 

Deux investigateurs seront présents pour l’essai clinique et vous attendront devant une salle séparée du monde extérieur par de longs rideaux. Pour participer à l’expérience, ils vous donneront un gobelet contenant un liquide que vous devrez ingérer avant de pouvoir être emmenés à l’intérieur pour vous équiper du casque de réalité virtuelle.

Une fois installé, un autre monde s’offre à vous. 

Oeuvre réalisée en collaboration avec Julien Dupas, dans le cadre du Module de co-création Arts et Sciences,  Polytech’Lille-Esä.

PIERRE DEMEULENAERE

Le cri des arbres, Installation sonore et lumineuse, peinture panoramique sur tulle 250 x 400 cm, 2021-2022

L’origine de cette installation vient d’une marche, tel un exode urbain, que j’ai effectuée lors du confinement. Il s’agissait d’une marche transgressive en lisière des chemins de randonnée et des forêts ardennaises. Le cri des arbres se compose d’un jeu de lumière chorégraphié par un son qui surplombe une peinture panoramique sur tulle. Le spectateur est invité à pénétrer dans cet espace où il observe, par un jeu de transparence et de lumière, le corps des autres ainsi que la peinture. À tour de rôle, les corps des visiteurs apparaissent et disparaissent dans cette peinture évoquant une forêt en pleine souffrance. Au-dessus de lui, est suspendue une “douche” sonore faite d’infra-basses qui provoquent une sensation physique. Pour réaliser ce son, j’ai enregistré et retravaillé le craquement de branches et de bûches. L’image panoramique renvoie, par frottements picturaux, à un paysage composé de couleurs orange, violet et jaune que l’on observe à travers les caméras thermiques qui captent les infrarouges. Ces couleurs représentent la calcination de la forêt ardennaise qui, suite à la première marche effectuée, a, par accident, été brûlée. Le cri des arbres questionne de manière artistique nos problématiques environnementales, par une inclusion sonore, tactile et visuelle du corps du spectateur dans l’installation. Comment faire de nouveau la  rencontre d’une forêt défigurée ?

Ce projet a été réalisé en binôme avec Enoch Hodonou, étudiant de l’école Polytech’Lille, dans le cadre du Module de co-création Arts et Sciences,  Polytech’Lille-Esä. Ce projet à bénéficié d’une bourse de l’Esä.

Le développement du projet a été en partie réalisé par Stéphane Cabée.

Remerciements : Nathalie Stefanov, Christophe Chaillou, Silvain Vanot, Stephane Cabée et Hervé Lesieur.

VERONICA DE OLIVEIRA

Frictions #2, Acier, sable, sphero, kinect, 150 x 150 cm, 2021-2022

Frictions #2 se présente sous la forme d’une structure métallique qui accueille en son sein du sable au-dessus duquel navigue, en y laissant des traces, une sphère programmée. Celle-ci semble errer de manière hasardeuse, à moins qu’elle ne soit régie par les mouvements des spectateurs. Au fil des déplacements de cette sphère, des sillons dans le sable s’entrelacent, s’effacent et se réinventent.

Frictions #2 interroge à sa manière la question de la trace. Celle qui est laissée par le corps qui rencontre la machine, mais aussi celles, nombreuses, que nous laissons inconsciemment par nos usages du numérique. 

Cette installation vient à la suite d’une série initiée en 2020, dont l’une des occurrences a pris la forme d’un pendule en ardoise venant se frictionner contre une autre plaque d’ardoise posée au sol. Inspirée du pendule de Foucault, cette pièce convoque les mouvements oscillatoires qui façonnent ma pratique. 

Frictions #2 a été pour une part développée dans le cadre du Module de co-création Arts et Sciences,  Polytech’Lille-Esä. La programmation nécessaire à ce projet a été réalisée avec Stéphane Cabée.